mardi 9 septembre 2014

Le FN, parti du peuple en sous-France ou du sous-peuple en France ?

Un parti au carré !
S'il existe un parti politique très républicain, voire trop républicain, qui applique les principes de la démocratie représentative et la logique électorale à la lettre, qui s'intègre complètement dans la logique pluraliste des partis, et qui peut en cela être qualifié de "parti du système", de "parti comme les autres" c'est bien le Front National.
Les organisations, comme les personnes, sont souvent plus critiquables non pas dans ce qu'elles font mais dans ce qu'elle omettent de faire.


Un parti populaire ?


Le modèle populiste du FN est foncièrement républicain, sûrement pas Maurassien. Le paradoxe est que le FN est bien un parti populaire, les faits électoraux récents le prouvent, mais il n'est pas sûr qu'il soit pour autant le parti du peuple réel, du pays réel au sens Maurassien du terme.


Rappelons nous que le mot populaire à deux sens :
- le sens premier : ce qui est le propre du peuple et en émane (ex. la culture, la volonté populaire),
- le sens dérivé récent via l'anglicisme "popular" : ce qui plait au peuple (ex. la popularité d'une personnalité, d'une mode)

Ces deux sens sont, d'un point de vue politique, complètement opposés :
- l'un désigne le peuple comme sujet conscient de ce qu'il est et acteur de ce qu'il veut faire
- l'autre désigne le peuple comme objet passif, assujetti à ses désirs, ses souffrances et à ce qu'on lui offre : du rêve et de la consommation

Or le FN n'a jamais été fortement populaire au sens premier, n'a jamais pu, su, ou voulu l'être.

  • Ceci pour des raisons historiques d'abord : 
    Le FN a été fondé par une moyenne bourgeoisie entrepreneuriale en rupture avec son temps, donc en rupture avec la modernité popularisée par l'ordre marchand triomphant
  • et des raisons de faisabilité élémentaire ensuite :
    pour mobiliser une assise populaire large et la rendre active ou participative au projet, il faut une infrastructure lourde, ingénieuse, donc une implantation décentralisée et un modèle économique solide.

C'est ce qui le distingue des anciens partis de la gauche ouvrière, syndicale, qui sont bien, à l'origine, des émanations du peuple ouvrier, certes dirigées, manipulées et complètement déviées. L'objectif utopique de changer la société a en plus induit une propension à l'innovation sociale. Il s'ensuit que la participation active associée à celle, intellectuelle, du débat collectif furent bien un fait populaire, une tradition propre à la gauche.
Tradition qui explique, outre son poids d'influence économique, l'influence culturelle et sociétale dominante de la gauche. Pas besoin de solliciter Gramsci pour le comprendre.

Ces facteurs de clivages historiques et structurels entre les partis sont bien plus déterminants que les oppositions de doctrine !

Du peuple en sous-France au sous-peuple de France


La migration électorale du vote dit "ouvrier" (en fait employés, commerçant, paysans, chômeurs, petit classe moyenne) vers le Front National de Marine est donc celle du peuple en sous-France mais que les pratiques du parti maintiennent à l'état de sous-peuple de France.

Strictement calqué et crispé sur la logique électorale, l'organisation centraliste du FN se prive de culture et de structure locale collaborative productrice de valeur ajoutée, s'interdit toute praxis militante décentralisée de nature à l'implanter dans la vie réelle : économique, sociale, culturelle.
Jacobiniste, et échaudé par les scissions cycliques de son histoire, il rejette l'idée d'une organisation en réseau d'unités autonomes et d'actions transversales.

Ce qui explique sont engouement pour les réseaux virtuels (Facebook) qui offrent une illusion orwelienne de participation collective.

Il s'ensuit un phénomène d'auto-diabolisation constant :
c'est le recrutement par co-optation entre médiocres et la promotion interne sous principe de Peters. Il y a un filtrage passif et inconscient des adhésions qui exclu d'emblée les profils compétents, cultivés, expérimentés, porteurs d'initiatives, sélectionne un public socialement typé vecteur d'image caricaturale, et sûrement pas représentatif du peuple français.
Le processus pervers remonte la hiérarchie par contamination des cadres intermédiaires.
On obtient :

  • un électorat, oui d'adhésion, plus seulement de protestation, mais infantilisé
  • un encadrement régional & local plafonné en compétence
  • une stratégie méta-politique déficiente
Autant de facteurs qui expliquent à eux seuls la carence du FN en cadres d'envergure nationale et sa peine à conquérir les meilleurs acteurs des classes moyennes.

Pour une critique salutaire


Ces analyses critiques mettent en évidence des traits de structure dont le FN n'a pas le monople : tous les partis sont primitivement ou sont devenus des agences d'investitures électorales et de souscription à des fonds de financement (aujourd'hui publics, hier occultes, quoique...) doublés du rôle d'agences de communication missionnées pour alimenter le spectacle de la fiction démocratique médiatisée.

Nous sommes loin de structures d'innovations. La crise travaillant pour le seul parti d'opposition radicale, la tentation de bénéficier de la politique de terre brulées adoptée par l'UMPS est grande, et le FN n'est pas incité à réviser son organisation participative, au contraire.

Mais personne n'a intérêt à voir progresser une équipe mal ficelées qui porte déjà en germe les facteurs de rupture avec son propre électorat, les querelles d'ambition et de boutiquiers, les effets de cour et de courtisans, les crispations autoritaires. Ajouter aux déçus de la gauche une future déception annoncée des partisans du patriotisme n'apportera rien à la France.

La question qui doit animer prioritairement le citoyen responsable n'est pas de savoir si il adhère ou s'oppose au FN, comme à tout autre parti, mais de contribuer à redonner au peuple la conscience de sa responsabilité et le goût de la participation active et critique face aux partis :
On a les politiciens qu'on mérite, et avec Hollande comme président nous ne méritons pas grand chose.
Mettre le FN face à ses contradictions profondes devient urgent puisque le système s'apprête à lui accorder le statut de premier parti d'opposition de France, voire plus si affinité !
Ne comptons pas sur la presse ni sur l'UMPS pour le critiquer sur le fond : ils bénéficient des mêmes tares systémiques.




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